Geek

[Fantasia] Critique de Singham Returns

Le Festival International Fantasia en est à sa 19e année d’existence. D’abord un événement plutôt underground, c’est aujourd’hui un des plus importants festivals de cinéma de genre en Amérique du Nord, voir du monde. Prenant principalement place dans les salles de projection de l’université Concordia à Montréal, Fantasia n’est pas seulement un festival, c’est une célébration du cinéma qui s’étale sur près d’un mois avec plus de cent longs métrages et des centaines de courts métrages.

Fantasia 2015 poster

Comme chaque année, une grande partie de sa programmation provient d’Asie, notamment du Japon et de la Corée du Sud, avec des films d’action, d’arts martiaux, d’horreurs, etc. La programmation reste diverse, internationale et locale, avec une panoplie de films de genres et des « inclassables ». Beaucoup d’inclassables. C’est un festival qui fait la promotion d’un cinéma très différent de ce qu’on retrouve dans un festival de cinéma « classique » et propose également une ambiance plus électrisante. Chaque film est une célébration où le public est invité à réagir, à crier, à applaudir, à « exploser » quand le vilain du récit vient de se faire éclater la tronche, par exemple.

À bien des égards, Fantasia propose une expérience qui nous renvoie aux sources du médium du cinéma : à l’expérience collective et au simple émerveillement de voir de la lumière et des formes en mouvement.

****

C’est maintenant tradition que Fantasia propose dans sa programmation au moins un film d’action Bollywoodien.

L’Inde est le plus grand producteur de films au monde. Comme à Hollywood, leur cinéma commercial est très codé : une grandie partie des films comprennent tous les éléments suivant : une histoire d’amour, relations familiales, du chant, de la danse chorégraphiée… Des éléments qui pourraient faire fuir bien des « geeks » de films de genre. Et pourtant.

Avant de découvrir Robot (ou Enthiran) à Fantasia il y a quelques années, je n’avais pas idée à quel point les artisans du cinéma indien étaient également des génies des scènes d’actions. En fait, ce sont des génies de l’excès. De l’action en excès, dépassant de loin les limites du ridicule et nous faisant découvrir une action qui s’éloigne des grincements de métaux et explosions typiques du cinéma hollywoodien et nous rapproche plutôt de la satisfaction d’une taloche qui fait voler un homme à 10 mètres… et ce en chantant et en dansant. Et il y a de la couleur ; beaucoup de couleur.

Singham Returns 1

Singham Returns est un de ses films. Une espèce de crossover entre les films de flics américains des années 80/90 et l’humour, la romance kitsch, la bande sonore sans subtilité et l’action complètement folle propre à Bollywood.

Bajiro Singham est un policier respecté de Mumbai. Plus que ça, il est une véritable figure Chuck Norrisesque qui fait trembler les hors-la-loi par sa simple présence. « Singham ne prend jamais. Il donne seulement. » dit-il en distribuant de solides coups de poing. Il manie tout aussi bien la taloche, les coups de pied aériens au ralenti sous fond de chanson thème « Singham! Singham! » que les fusils d’assaut.

Voilà que des élections se préparent et deux forces s’affrontent dans l’opinion publique : un bon politicien, Gujuri, qui croit que l’avenir passe par l’élection de jeunes députés, et Baba, un guru new age qui parle d’amour et et de vivre simplement, mais qui en réalité est un dirigeant violent du crime organisé et en ligue avec des politiciens corrompus. Aussi, il aime porter en privé des maillots d’équipes de la NBA. Un collègue policier de Singham est retrouvé mort au bord d’une ambulance qui transportait de l’argent sale de Baba. La police de Mumbai est maintenant dans l’embarras, mais Singham est convaincu de l’innocence de son collègue et compte bien prouver la culpabilité de Baba et ses acolytes.

Singham returns 2

Tout cela semble bien sérieux, mais en réalité Singham Returns est une comédie d’action. Il n’est cependant pas toujours clair quand l’humour est volontaire ou si on rit devant le manque de subtilités des dialogues et de la mise en scène. Entre les scènes d’actions complètement disjonctées, mais parfois décevantes (j’y reviendrai), et le développement de la comédie romantique impossiblement kétaine entre Singham et Avni, le film tente par moment certains commentaires sociaux sur la politique, le rôle de la police dans la société, ainsi que le rôle des médias. Notamment, le discours de Singham sur le fait que le travail de la police est d’arrêter le crime et non de créer des criminels en arrêtant des ados ou encore quand Singham fustige une journaliste qui devrait « collecter de l’information plutôt que de rendre des verdicts. » Le discours du film tombe cependant à plat quand il ne se reflète pas toujours, au final, dans l’action des personnages.

J’en conviens, je suranalyse. Singham Returns est une comédie d’action avant tout. Le film comporte quelques moments « holy shit! » qui ont fait crier la foule de Fantasia, ainsi que la faire battre des mains au son de la bande sonore. Cependant, beaucoup de scènes d’action souffrent dans la mise en scène qu’on tente de camoufler avec des plans serrés et des zoom-in/zoom-out rapides de la caméra qui deviennent rapidement agaçants. Certains effets spéciaux sont impeccables, notamment quand il s’agit de ralentis de corps d’hommes que Singham fait voler à coup de taloches. Par contre, les scènes de fusils tombent à plat avec des effets spéciaux médiocres et le fait qu’on ne croit pas aux coups de fusil ni au fait que les personnages soient touchés par des balles. Le titre l’indique, Singham Returns est une suite et ça parait par moment. Je pense notamment à l’utilisation à outrance du catchphrase de Singham « Now, I’ve really lost it! », perdant ainsi de son effet dramatique. C’est comme si le fameux « I’ll be back. » de Terminator était utilisé six fois dans le même film.

Singham Returns 3

Malgré ces critiques, et la trop longue durée du film, j’ai eu énormément de plaisir à la projection de Singham Returns. À une époque où il est possible d’écouter un film sur un écran de téléphone mobile, on oublie à quel point le contexte de visionnement à un impact important sur l’appréciation d’un film. L’audience de Fantasia est unique, et ce film, malgré ses défauts, la fait crier, chanter et rire. Et il y avait de la couleur ; beaucoup de couleur.

Réalisation: Rohit Shetty

Scénario: Rohit Shetty, Yunus Sajawal, Farhad, Sajid

Interprètes: Ajay Devgn, Kareena Kapoor, Anupam Kher

Production: Reliance Entertainment

Inde – 2014

Catégories
Geek

Scénariste montréalais ayant gagné des prix Gémeaux pour son travail sur les webséries Temps Mort et Projet-M. Passionné de cinéma, bandes dessinées et jeux vidéo.

Laissez une réponse

*

*

Ecoutez POD TREK