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Le Conte de la Princesse Kaguya, de la poésie animée

Pour les amateurs d’animation de qualité, chaque sortie en salle d’un film du Studio Ghibli est un événement qu’il ne faut pas rater, vu le manque total de promotion et les dates peu propices choisies par Disney, distributeur exclusif du studio à l’international (par peur de la comparaison ?). L’année 2014 fut faste avec deux long-métrages réalisés par les maîtres Miyazaki Hayao et Takahata Isao : Le Vent se Lève et Le Conte de la Princesse Kaguya. Ce dernier, débarqué sur nos écrans en juin dernier, vient de sortir en DVD et Blu-Ray. Voici de quoi vous convaincre (enfin je l’espère) de délaisser un instant les blockbusters formatés de Marvel pour découvrir cette pépite.

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Inspiré d’un conte traditionnel japonais, Kaguya nous narre l’histoire d’une jeune fille découverte miraculeusement par un humble coupeur de bambou. Grandissant à une vitesse phénoménale (ce qui lui vaudra le surnom de Takenoko, pousse de bambou), elle vit en toute insouciance une existence simple au milieu des montagnes. Mais persuadé d’accomplir la volonté des cieux, son père adoptif l’arrachera à cette vie faite de joie et d’exubérance pour faire d’elle une princesse que les plus puissants convoiteront, y compris l’Empereur lui-même, sans se rendre compte de la tristesse qui s’empare peu à peu de son cœur.

L’une des forces du cinéma de Takahata est sa capacité à susciter l’émotion sans utiliser d’artifice scénaristique ou visuel tape-à-l’œil ; Kaguya ne fait pas exception dans l’œuvre du maître. Fidèle à l’animation traditionnelle, Takahata donne à son film une touche graphique inspirée du sumi-e¹, toute en lignes épurées et en couleurs pastels, en adéquation parfaite avec le propos nostalgique et mélancolique de l’histoire. Seules quelques fulgurances évoquant furieusement Edvard Munch² viennent troubler la sérénité de cet ensemble, signalant au spectateur de manière assez violente que les choses viennent de basculer irrémédiablement pour Kaguya.

Bercé par la musique de Hisaishi Joe (dont Kaguya signe la première collaboration avec Takahata alors qu’il travaille de longue date avec Miyazaki), on se laisse porter par une succession de scène dont la puissance d’évocation n’a d’égale que leur apparente simplicité. Comment ne pas frémir d’envie avec ces enfants qui viennent de voler un melon dans un champ ou être émerveillé par un cerisier en fleurs sauvage après avoir été trop longtemps enfermé dans une cage dorée ? C’est là que Kaguya touche au sublime : sous l’apparence d’une rivière cinématographique tranquille se cache un torrent émotionnel, qui continue de vous hanter longtemps après le générique de fin.

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Le Conte de la Princesse Kaguya est à l’image de la chansonnette qui émaille le film : de léger et insouciant dans sa première partie, il devient peu à peu mélancolique et désabusé, jusqu’à ne laisser que regret et amertume pour un bonheur définitivement perdu. Avec toute la subtilité qui le caractérise, que ce soit dans le rire ou les larmes, Takahata nous propose une fois de plus un voyage visuel et émotionnel qui ne peut laisser indifférent, tant la puissance évocatrice des images est universelle par leur simplicité. Si pour vous l’animation ne se limite pas à des animaux chantants en 3D, vous ne pourrez qu’être envoûtés par ce pur moment de poésie cinématographique…

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¹ sumi-e: mouvement de peinture japonais utilisant principalement le lavis d’encre
² Edvard Munch: peintre norvégien (1863/1944) pionnier de l’expressionnisme, dont l’œuvre la plus célèbre est Le Cri
 

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